Cancer de l’endomètre – En guérir et (re)jouir
Quatrième cause de cancer chez la femme, il reste de très bon pronostic lorsqu’il est diagnostiqué tôt. En cas de progression ? Il existe depuis peu un nouveau traitement efficace. Seule zone d’ombre : les conséquences sur la vie intime et sexuelle. On en parle.
Moins connu que le cancer du col de l’utérus, le cancer de l’endomètre représente le quatrième cancer le plus fréquent chez la femme – 8 224 nouveaux cas chaque année – et survient généralement après la ménopause. Sauf pour 25 % des femmes atteintes. En 2021, Karine avait 43 ans et, lorsque son gynécologue lui a communiqué le résultat de sa biopsie, la jeune femme est restée sans voix: « J’ignorais même que le cancer de l’endomètre existait ! Quand il a enchaîné en disant qu’il faudrait m’enlever l’utérus et peut-être les ovaires, j’étais tellement sonnée que je suis partie sans même le saluer. Sur la route du retour, je cherchais mes mots pour l’annoncer à mon mari… J’ai eu beaucoup de mal à en parler à mes proches aussi. Certains ne l’ont su que des mois plus tard. » Touchant l’intimité, il est souvent confondu avec le cancer du col de l’utérus. Alors qu’il s’agit d’un cancer du corps de l’utérus, c’est-à-dire de la muqueuse qui en tapisse l’intérieur, le lieu précis accueillant l’ovule fécondé. L’endomètre évolue selon le cycle hormonal. En première partie de cycle, prêt à recevoir cet œuf, il s’épaissit sous l’action des hormones. S’il n’y a pas de fécondation, la muqueuse est évacuée, et les règles surviennent. Mais il arrive qu’un cancer se développe dans cette zone, le plus souvent à partir d’une cellule de l’épithélium.
En chiffres : 8 224 nouveaux cas par an, 68 ans âge moyen du diagnostic, 90% taux de guérison à 5 ans.
Les facteurs de risque : âge, surpoids, diabète…
La forme la plus courante des cancers de l’endomètre est représentée par les adénocarcinomes endométrioïdes (75 % à 80 % des cas); ces tumeurs sont généralement de bas grade et de pronostic favorable, mais certaines tumeurs peuvent être de haut grade. Il existe aussi d’autres formes moins fréquentes, comme les carcinomes séreux, et les carcinomes à cellules claires, qui sont des formes agressives et à haut risque. Si le nombre de cas de cancer de l’endomètre est plutôt stable depuis trente ans, la tendance est à la hausse dans certains pays industrialisés, en raison du vieillissement de la population. Avec un diagnostic posé en moyenne à 68 ans, l’âge reste le principal facteur de risque. « En plus de l’âge, des facteurs métaboliques peuvent aussi être impliqués », indique le Dr Olivia Le Saux, oncologue au centre Léon- Bérard, à Lyon.
Le surpoids et l’obésité doublent en effet le risque de développer la maladie. Le surpoids peut induire une dérégulation importante de certaines hormones de croissance ou d’hormones sexuelles, déséquilibres qui favorisent la croissance cellulaire et les processus de cancérisation. Autres facteurs de risque, le diabète et l’hypertension artérielle. Enfin, certains facteurs hormonaux entrent en ligne de compte, comme la nulliparité (le fait de n’avoir jamais accouché), une ménopause tardive, une puberté précoce, mais également « des tumeurs de l’ovaire secrétant des œstrogènes, une hyperœstrogénie endogène – sécrétion excessive d’œstrogènes – ou exogène – pilule contraceptive ou traitement substitutif de la ménopause mal adaptés, précise l’oncologue. Mais aussi, parfois, la prise de tamoxifène au long cours ».
Sur ce point l’Institut national du cancer (INCa) temporise: « Le bénéfice de cette hormonothérapie pour lutter contre le cancer du sein reste supérieur au risque qu’elle représente. » S’il n’existe pas à ce jour d’examen de dépistage pour le cancer de l’endomètre, la réapparition de saignements vaginaux après la ménopause doit inciter à consulter rapidement un médecin. Des saignements survenant entre les menstruations sont également des signes d’alerte pour les femmes qui ne sont pas ménopausées. Pour confirmer le diagnostic, le gynécologue réalisera un examen clinique de l’abdomen, du pelvis et des ganglions, puis un examen gynécologique. Une échographie pelvienne sera prescrite pour détecter un éventuel épaississement de l’endomètre, une hypertrophie ; ainsi qu’une biopsie, pour déterminer l’histologie de la tumeur, c’est-à-dire son type, son agressivité. Une IRM sera utile pour connaître l’étendue de la maladie.
« Le choix du traitement dépendra de son stade, mais également de la situation et de l’âge de la patiente », poursuit le Dr Le Saux. Pour les femmes jeunes, il sera possible de tenir compte de leur désir d’enfant si la maladie est localisée, c’est-à-dire si elle infiltre moins de la moitié du muscle utérin. En revanche, si elle l’infiltre sur plus de la moitié, il y a un risque d’atteinte des vaisseaux lymphatiques et des ganglions ; là, le protocole sera différent.
Un protocole prometteur
Le traitement le plus efficace reste la chirurgie. Elle repose sur l’ablation de l’utérus (hystérectomie) et parfois d’autres organes et tissus dans lesquels des métastases pourraient se former, comme les ovaires et les trompes de Fallope. En fonction du stade de la maladie, on retire également les ganglions lymphatiques pelviens, en utilisant au préalable la technique du ganglion sentinelle. Cela consiste à retirer le ganglion le plus proche de la tumeur pour savoir s’il contient des cellules cancéreuses, qui indiqueraient alors une extension de la tumeur. S’il est sain, alors il n’est pas nécessaire de faire un curage de toute la chaîne ganglionnaire. Pour retirer la tumeur, le chirurgien peut agir par les voies classique (laparotomie), cœlioscopique (ventre fermé) ou robotique. Cette dernière permet de préserver davantage les nerfs de la vessie.
Où trouver un sexologue : Certains sexologues consultent à l’hôpital. Vous pouvez ainsi bénéficier d’une prise en charge des séances. Pour trouver un praticien en ville, consultez l’annuaire de l’Association interdisciplinaire post-universitaire de sexologie (AIUS).
Bon à savoir : l’association Imagyn rembourse trois consultations à ses adhérentes.
En fonction du risque de rechute, la chirurgie peut être complétée par une radiothérapie externe au niveau du pelvis, ou par voie interne. Appelée curiethérapie, cette dernière consiste à positionner à l’intérieur du vagin une source radioactive. Si le cancer est plus étendu, on y associera une chimiothérapie ou une hormonothérapie. « Grâce à la caractérisation moléculaire des tumeurs, les traitements sont de plus en plus ciblés », précise le Dr Le Saux. Ainsi, les mutations génétiques associées à cette pathologie sont de mieux en mieux connues grâce au séquençage du génome des tumeurs¹. Au stade précoce du cancer, ces données permettent d’identifier les tumeurs les plus agressives, nécessitant un traitement complémentaire. Pour les maladies étendues ou en récidive, elles rendent possible la prescription de nouveaux traitements en fonction de l’examen histologique de la tumeur et des résultats d’analyse de certains biomarqueurs. Par exemple, des patientes présentant des mutations sur le gène P53 tirent bénéfice d’une chimiothérapie associée à une radiothérapie. À l’inverse, celles qui présentent des anomalies sur le gène PolE obtiennent des résultats favorables et équivalents que la radiothérapie soit associée ou non à la chimiothérapie, suggérant des possibilités de désescalade thérapeutique dans certaines situations.
Après la perte de l’utérus, organe hautement symbolique, il y a un deuil à faire.
Et concernant les cancers plus avancés ou métastatiques ? « Pour la première fois depuis trente ans, nous disposons d’un nouveau traitement pour ces cancers. Il s’agit de la combinaison entre une immunothérapie – le pembrolizumab – et un anti-angiogénique – le lenvatinib. Il concerne les personnes ayant déjà reçu une première ligne de traitement par chimiothérapie à base de sels de platine, explique l’oncologue. Les résultats sont excellents: l’association de ces deux médicaments diminuant de 44 % le risque de récidive et de 38 % le risque de décès. » Malheureusement, ce traitement entraîne aussi souvent une hypertension et des diarrhées sévères, exigeant d’adapter la posologie et une surveillance accrue des patientes.
Enfin, l’hormonothérapie est parfois utilisée pour traiter certaines tumeurs qui ont formé des métastases ou qui expriment des récepteurs hormonaux. Ce traitement (par anti-aromatases, progestatifs, tamoxifène ou encore agonistes de LH-RH…) empêche l’action stimulante des hormones féminines sur les cellules cancéreuses.
Endométriose et cancer de l’endomètre ? Ça n’a rien avoir !
Bonne nouvelle ! L’endométriose, qui concerne une femme sur dix, n’augmente pas le risque de cancer de l’endomètre. En revanche, une récente étude¹ confirme que les femmes porteuses de certains marqueurs génétiques les prédisposant à l’endométriose présentent 2,6 fois plus de risque de développer certains sous-types de cancer de l’ovaire, comme le cancer de l’ovaire à cellules claires et le cancer de l’ovaire endométrioïde.
Céline Dufranc