Un cancer, ça peut coûter très cher
En France, on ne paie pas ses traitements contre le cancer. Mais la maladie occasionne une cascade de dépenses annexes liées à des soins qui restent peu, voire pas du tout pris en charge. On a fait les comptes, et ça fait mal !
Perruque, vernis à ongles, manchon de compression, soutien-gorge post-mastectomie… Soignée pour un cancer du sein en 2017, Christel achète tout ce qu’on lui conseille pour contrer les séquelles et les effets secondaires de ses traitements. En arrêt de travail, cette préparatrice en pharmacie voit les factures s’accumuler rapidement, alors même que son salaire diminue de 20 %.
Au bout de six mois, elle fait l’addition de tout ce que son cancer lui a déjà coûté : « J’en avais pour 3 500 euros ! On ne choisit pas d’être malade, je ne trouve pas normal que tout ce que la maladie occasionne de soins et de dépenses annexes ne soit pas pris en charge ! »
Une personne sur deux face aux restes à charge
Cette colère – qui l’anime encore aujourd’hui – a été le moteur de son engagement dans la création de l’association Les Marraines, en 2018. Depuis, en partenariat avec le comité gardois de la Ligue contre le cancer, l’énergique quinquagénaire de Molières-sur-Cèze se démène pour offrir aux personnes touchées par un cancer des soins de support accessibles et parfois aussi une aide financière.
Chargée de mission à la Ligue contre le cancer, Camille Flavigny entend souvent les malades avouer qu’en définitive leurs difficultés ont moins commencé avec leur traitement qu’avec leurs premières factures, puis se sont poursuivies avec les embarras administratifs pour s’en sortir financièrement. Près d’une personne soignée d’un cancer sur deux déclare ainsi devoir faire face à des restes à charge. Les deux tiers les évaluent à au moins 1 000 euros en tout.
Des coûts incompréhensibles
Outre la panique que cela peut provoquer chez certains malades (en particulier chez les plus précaires), ces coûts sont source d’une grande incompréhension : « Les personnes se retrouvent démunies alors qu’elles pensaient leurs soins intégralement pris en charge par la Sécurité sociale, puisqu’elles sont en affection longue durée (ALD). »
« Les patients ne comprennent pas toujours ce que recouvre l’ALD. Certains imaginent même pouvoir résilier leur mutuelle », confirme Laure Duhin, assistante sociale au centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard, à Lyon. Elle s’empresse de les en dissuader et s’évertue aussi à en faire souscrire une à ceux qui n’en ont pas. Mais il est vrai aussi que le dispositif ALD n’est pas très lisible, quand on ne maîtrise pas les subtilités de langage de l’assurance maladie.
Illisible prise en charge
Le cancer figure bel et bien dans la liste des affections de longue durée dites exonérantes. À ce titre, il ouvre droit à une prise en charge dite intégrale des traitements. Dès lors que le formulaire détaillant diagnostic et protocole de soins a dûment été adressé par le médecin traitant à la caisse primaire d’assurance maladie, l’ALD est accordée, dans un délai de deux à quatre semaines, avec effet rétroactif pour les frais engagés dans l’intervalle (à condition d’en avoir conservé les factures).
Le problème réside dans ce qu’il faut entendre par prise en charge intégrale. Concrètement, cela signifie qu’un assuré social n’a à débourser aucun centime de sa poche pour se faire opérer d’une tumeur ou recevoir son traitement de chimiothérapie ou de radiothérapie. Il ne connaîtra même pas le prix de ces soins. Donc pas besoin d’hypothéquer sa maison ou de plonger dans le trafic de drogue comme le héros de la série Breaking Bad pour être soigné. Le système de protection sociale français a ça de très bien. Seulement, le diable se niche dans les détails…
Remboursé à 100% ?
Sur son site, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) indique que, même en ALD, « certains frais restent à votre charge ». Et de lister toute une série de forfaits, franchises et parts non remboursées sur les nuits d’hôpital, les boîtes de médicaments1, les consultations2, les transports, etc.
Quand la Cnam annonce une prise en charge à 100 %, cela ne signifie pas que la totalité des coûts réels soit remboursée, mais qu’ils sont remboursés à 100 % de leur maximum remboursable. C’est-à-dire que le montant du 100 % est calculé sur la base de remboursement de la Sécurité sociale : le BRSS. Ce BRSS est le tarif fixé avec les professionnels de santé par la Cnam pour chaque acte médical ou paramédical qui figure dans sa nomenclature – on parle de tarif conventionné secteur 1.
Très chers dépassements d’honoraires
Cancer ou pas, la Sécurité sociale limite donc les remboursements à ce qui rentre dans ses barèmes de prix et sa liste de produits ou soins remboursables. Résultat : une prise en charge pas si intégrale et « beaucoup de trous dans la raquette », résume-t-on à la Ligue.
Votre radiologue est en secteur 2, avec des honoraires qui dépassent le tarif de convention de la Sécu ? Ce qui dépasse est à payer de votre poche, ou à régler par votre mutuelle, selon votre contrat. Vous avez décidé de faire une reconstruction mammaire ? Attention à bien demander à votre chirurgien s’il pratique le tarif conventionné, sinon vous risquez de le payer cher.
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