Comment mieux traiter l’insomnie chez les patients atteints de cancer ?
L’insomnie constitue un enjeu majeur en oncologie, puisqu’on estime qu’environ 30 à 60 % des patients sont concernés par ce trouble. Diane Boinon, psychologue clinicienne et chercheuse au sein de l’unité de psycho-oncologie de Gustave Roussy, a présenté cette année aux congrès à l’ASCO et de la MASCC les résultats prometteurs de l’étude multicentrique Sleep-4-All-2.0. Cette dernière défend une approche basée sur la thérapie cognitive et comportementale (TCC) en ligne, qui cible les facteurs de maintien de l’insomnie, couplée à un suivi téléphonique par un psychologue.
Chez les personnes atteintes de cancer, l’insomnie est associée à un grand nombre de symptômes : une souffrance psychologique (symptômes anxio-dépressifs), des troubles de la mémoire, une fatigue accrue, des douleurs physiques ou encore des modifications du fonctionnement immunitaire. Autant d’éléments qui peuvent déboucher sur une augmentation des consultations médicales.
Besoin d’un accompagnement personnalisé
« Le traitement de l’insomnie repose encore majoritairement sur la prescription d’hypnotiques. Mais leur efficacité est limitée dans le temps, et à long terme, ils peuvent causer de fortes dépendances », explique Diane Boinon, « C’est pourquoi nous nous sommes intéressés à une intervention non-médicamenteuse pour traiter l’insomnie, développée au Québec et baptisée Insomnet. Elle mobilise l’utilisation de la thérapie cognitive et comportementale », poursuit-elle.
Entièrement en ligne et réalisable en six semaines, ce programme repose sur une combinaison de cinq films d’animation et de six fascicules qui ciblent les facteurs de maintien de l’insomnie tant sur le plan comportemental (modifier certaines mauvaises habitudes de sommeil) que cognitif (questionner et réévaluer les pensées et les croyances envers le sommeil). Une première étude de faisabilité (Sleep-4-All.1), menée à Gustave Roussy, avait souligné l’importance de coupler au programme en ligne un suivi personnalisé avec un professionnel de santé, notamment pour renforcer l’adhésion au programme.
C’est donc pour répondre à cet objectif qu’a été pensée l’étude Sleep-4-All-2.0. Menée sur 348 patients au total, recrutés à Gustave Roussy, au Centre Léon Bérard à Lyon et à l’Institut Régional du Cancer de Montpellier, elle s’est concentrée sur l’ajout au programme en ligne Insomnet de trois entretiens téléphoniques réalisés avec des psychologues formés à la TCC tout au long du parcours, pour accompagner et motiver le patient dans l’utilisation des techniques du programme, l’aider à fixer des objectifs réalistes, ou encore à identifier les problématiques à travailler en priorité.
Des résultats encourageants
Les résultats montrent d’abord que l’approche hybride couplant modules en ligne et suivi téléphonique personnalisé est efficace. 80 % des patients présentaient une insomnie sévère avant le début du programme. Ils n’étaient plus que 24 % à l’issue des six semaines du parcours initial. À trois mois, l’insomnie avait totalement disparu chez 46 % des patients, et 63 % ne considéraient plus leur sommeil comme un problème.
Parallèlement, les chercheurs ont noté un taux d’adhésion satisfaisant à Insomnet : 74 % des patients ayant bénéficié d’un accompagnement téléphonique sont allés au bout du programme, alors que les études antérieures rapportaient des taux d’adhésion entre 50 et 60 % sans suivi personnalisé. Autant d’éléments qui confirment l’intérêt de maintenir la relation soignant-soigné dans l’utilisation de programmes de soins en ligne.
Gustave Roussy