Cancer : l’étau se resserre sur la consommation de sucre
Des travaux menés au sein de la cohorte française NutriNet-Santé consolident le faisceau de données qui incitent à limiter la consommation de sucres pour réduire le risque de cancers, notamment du sein.
La consommation de produits sucrés a augmenté dans le monde au cours des dernières décennies. Leur impact sur l’obésité, le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires a fait l’objet de nombreuses études et est aujourd’hui bien établi. Mais concernant le cancer, l’implication du sucre n’a pour l’instant pas été constatée en bonne et due forme et les autorités scientifiques ne le considèrent donc pas encore comme un facteur de risque en tant que tel. Pourtant les hypothèses qui permettraient d’expliquer son mode d’action sont multiples : il pourrait notamment agir en favorisant l’obésité ou en provoquant des mécanismes inflammatoires chroniques et une résistance à l’insuline.
Pour répondre à ce manque d’information, une équipe de chercheurs en épidémiologie nutritionnelle s’est penchée sur la consommation de sucres dans la cohorte constituée dans le cadre de l’étude Nutrinet-Santé. Il s’agit d’une cohorte prospective qui inclut plus de 100 000 personnes ayant accepté d’être suivies pendant plusieurs années et de fournir des informations sur leur santé et leurs « comportements » nutritionnels. Chaque année, les « Nutrinautes » qui ont accepté d’entrer dans cette cohorte répondent à cinq questionnaires différents (alimentation, santé, mode de vie, anthropométrique, activité physique) dont les réponses constituent les données de base essentielles à l’étude.
Tous les types de sucre passés au crible
Dans cette étude relayée par la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, les chercheurs se sont penchés sur la consommation globale de sucres, ajoutés ou non. Ils se sont intéressés à l’ensemble des cancers, mais ont mené une investigation spécifique pour les cancers du sein et de la prostate, les plus fréquents chez la femme et l’homme. Des résultats publiés en 2019 par cette même équipe avec des participants de la cohorte avaient permis d’associer la consommation de boissons sucrées à un sur-risque de cancer du sein. Ainsi, une augmentation de 100mL de la consommation moyenne quotidienne de boissons sucrées était associée à une augmentation d’environ 18% du risque de cancer.
Cette fois les scientifiques ont documenté l’origine précise des sucres consommés dans l’alimentation (sucreries, fruits, boissons, produits laitiers, déserts lactés, céréales de petit déjeuner, biscuits et pâtisseries…) avant de distinguer leur nature (fructose, glucose, sucrose…). Après un suivi de médian de près de six années et la survenue de plus de 2 500 cas de cancer au sein de la cohorte, les résultats sont sans appel : la consommation globale de sucre est associée à un sur-risque de cancer. Une observation qui, selon les chercheurs, « serait principalement due au cancer du sein, les autres localisations n’étant apparemment que peu ou pas affectées par la consommation de sucres ».
Le sucre, « facteur de risque évitable de cancer »
Une analyse des données a révélé que le risque était plus spécifiquement lié aux sucres ajoutés, aux sucres libres, au sucrose, aux sucres des boissons ou des produits laitiers. En outre, les effets sur le risque de cancer du sein s’avéraient légèrement plus importants chez les femmes préménopausées. Les auteurs concluent sur le fait que « la consommation de sucre doit désormais être considérée comme un facteur de risque évitable de cancer, une donnée que les autorités pourront intégrer dans une réflexion politique sur la taxation du sucre et d’autres mesures de prévention sanitaire. » A noter que depuis 2015, l’OMS recommande de ramener l’apport en sucres libres à moins de 10% de la ration énergétique totale.
L’Institut national contre le cancer parle quant à lui de « prévention primaire » via l’alimentation. « Les recherches menées ces dernières années ont permis d’identifier des facteurs alimentaires susceptibles d’intervenir dans le développement de certains cancers. S’il n’existe pas d’aliments anticancer, certains peuvent diminuer le risque de survenue de la maladie, ou au contraire l’augmenter », indique-t-il. Les facteurs pour lesquels les liens avec certains cancers sont avérés sont principalement la consommation de boissons alcoolisées, le surpoids et l’obésité et l’excès de viandes rouges ou de charcuteries. A l’inverse, ce dernier recommande la consommation d’aliments d’origine végétale et riches en fibres