Et si l’étude des tissus mammaires des hommes transgenres aidait à soigner le cancer du sein ?
L’administration de faibles doses d’androgènes pourrait-elle aider à prévenir certains cancers du sein ? C’est ce que pensent des chercheurs après avoir observé des effets protecteurs dans les tissus mammaires d’hommes transgenres (de sexe biologique féminin à la naissance) après la prise d’hormones masculines.
Après une thérapie androgénique (hormones masculines), les tissus mammaires des hommes transgenres sont profondément modifiés, « reprogrammés » jusqu’au niveau génétique, démontre une nouvelle étude publiée dans Cell Genomics. Des modifications protectrices du cancer du sein qui pourraient inspirer un usage préventif des androgènes – quoiqu’à faible dose – dans les cas à haut risque.
Après la prise chronique d’hormones masculines, certains hommes transgenres – de sexe biologique féminin à la naissance – se font retirer la poitrine dans le cadre de leur transition. Ce sont ces tissus mammaires et les modifications qu’ils ont subies suite aux injections d’androgènes qui intéressent les chercheurs. « Les œstrogènes et la progestérone (hormones féminines, ndlr) ont fait l’objet d’études approfondies dans la glande mammaire, mais les effets moléculaires des androgènes restent largement inexplorés« , expliquent les chercheurs dans la publication. Or, les récepteurs aux androgènes sont présents sur 60 à 90% des cellules mammaires ! Une donnée importante lorsqu’on sait que de précédentes études ont montré un effet protecteur des androgènes sur les cancers du sein sensibles aux œstrogènes, dits « ER+ ». 80% des cancers du sein sont hormonodépendants.
Comparaison de tissus mammaires trans et cis
Ces échantillons sont récupérés de mastectomies (ablation chirurgicale du sein) d’hommes transgenres, de sexe biologique féminin à la naissance. Ces tissus mammaires ont ensuite été comparés à ceux de femmes cisgenres (femmes non transgenres) ayant subi une opération mammaire esthétique. « Nous avons utilisé la puissance des nouvelles technologies pour élucider l’impact des androgènes sur chaque type de cellule du sein et sur la façon dont chacun de ces types de cellules est co-organisé structurellement« , résume Simon Knott, professeur en biologie computationnelle et génomique fonctionnelle au Cedars-Sinai Medical Center (Etats-Unis), qui a dirigé ces travaux. Ces nouvelles techniques ultra-précises permettent d’observer quels gènes sont activés ou non au niveau d’une cellule unique et où ces cellules se situent dans les tissus mammaires. « Les échantillons dont nous disposions contenaient tous les types de cellules que l’on trouve généralement dans le sein, y compris les cellules épithéliales, stromales, immunitaires et vasculaires« , précise le chercheur.
Des facteurs protecteurs du cancer du sein après thérapie par androgènes
Grâce à cette analyse poussée, les chercheurs ont remarqué des remaniements majeurs dans les cellules des tissus mammaires. Sous l’influence des androgènes, les gènes entraînant la production des récepteurs sensibles aux hormones féminines, notamment ceux aux œstrogènes, ont diminué en activité. Moins de récepteurs aux œstrogènes, c’est moins de sensibilité à cette hormone, et donc moins de risque de cancer du sein hormonodépendant, appuient les chercheurs. D’autres gènes associés au cancer du sein étaient également réprimés par les androgènes. Les hommes transgenres ont d’ailleurs moins de risque de développer un cancer du sein.
Plus surprenant, « les androgènes semblent reconfigurer le microenvironnement immunitaire du sein normal« , précise Simon Knott. Les tissus semblent ainsi abriter moins de macrophages, des globules blancs du système immunitaire inné (première ligne de défense), et plus de cellules T CD4, des globules blancs du système immunitaire adaptatif. « Cela laisse supposer une plus grande surveillance par le système immunitaire adaptatif après une thérapie androgénique« , ajoute le chercheur.
D’après l’équipe, ces résultats plaident en faveur d’une utilisation des androgènes chez les personnes à risque de déclarer un cancer du sein. « Les androgènes ont été utilisés auparavant pour traiter le cancer du sein à des doses élevées, mais ont été abandonnés en raison des toxicités associées », relate Simon Knott. « Nous émettons l’hypothèse que les mêmes effets bénéfiques peuvent être obtenus par l’administration d’une dose plus faible qui n’induit pas de caractéristiques masculines externes. » Prochaine étape, retrouver ces effets protecteurs chez les femmes qui risquent de développer un cancer du sein ou qui présentent des lésions mammaires précoces après administration de faibles doses d’androgènes.
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