La dépression est-elle un facteur déclenchant ou aggravant des cancers ?
La dépression est-elle un facteur déclenchant ou aggravant des cancers ? Inéluctablement, à un moment ou à un autre de l’évolution du cancer, les patients dépressifs et les soignants,
guidés par leur intuition, se posent cette question. Réponses du Pr. Silla Consoli, psychiatre à l’Hôpital Européen Georges Pompidou (Paris)*. « En matière de relation entre la dépression et le cancer, nous ne sommes sûrs de rien, prévient le Pr. Consoli, les résultats des recherches psychosomatiques étant parfois très contradictoires. La moisson des travaux qui ne souffrent pas de critiques est bien maigre ». Ce préambule achevé, il reconnaît qu’un certain nombre d’indices méritent d’être pris en considération. La dépression ne peut être considérée à elle seule comme un facteur de risque de cancer… Globalement, les dépressifs ne font pas plus de cancers que les autres. De même, le rôle d’événements éprouvants comme le décès d’un enfant, une séparation conjugale, une perte d’emploi, fait encore l’objet de controverses scientifiques. En réalité, de nombreux patients souffrant d’un cancer vivent ce qui leur arrive comme une injustice. Ils ont spontanément tendance à surestimer la place des péripéties de la vie ou de leur détresse psychologique dans la genèse de leur maladie, plutôt que de se résigner au non-sens de ce qui leur arrive. Si la dépression n’est pas un facteur de risque de survenue d’un cancer, ce postulat doit cependant être nuancé. Il semble en effet que les dépressifs chroniques qui, sur une période de plusieurs années, ressentent une certaine tristesse, une perte d’intérêt ou de la capacité à éprouver du plaisir, une fatigabilité anormale, ont environ deux fois plus de risque d’avoir un cancer que les personnes non dépressves ou celles dont la « dépressivité » n’est que passagère. Autre facteur de vulnérabilité bien connu, le tabac. Or, le fait d’être déprimé pour un fumeur aggrave significativement le risque d’apparition d’un cancer, la dépression venant renforcer le pouvoir cancérigène de substances toxiques contenues dans la cigarette, ou favorisant l’inhalation de plus fortes concentrations de ces mêmes substances toxiques. … mais semble en revanche influer sur le pronostic des cancers Pour ce qui est du pronostic du cancer, les travaux scientifiques sont concordants : être dépressif prédit une évolution moins favorable. La dépression chez le patient atteint de cancer ne traduit pas pour autant une faiblesse de caractère, mais doit être comprise comme un mode de réaction particulier à une situation de vie éprouvante. Une telle souffrance doit pouvoir être mieux repérée et les malades encouragés à se plaindre sans craindre d’être mal jugés. « Banaliser la dépression, sous prétexte qu’il paraît normal d’être déprimé avec un cancer, serait une double erreur, met en garde le Pr. Consoli. Ethiquement d’abord, parce que nous avons les moyens de soulager ce mal-être. Médicalement ensuite, puisqu’une dépression dépistée à temps et correctement soignée a toute chance de peser favorablement sur le pronostic du cancer ». |