La mammographie 3D pour « manquer » moins de cas
Les radiologistes demandent à Québec d’augmenter l’accès à la mammographie 3D, une technologie qui dépiste davantage de cancers du sein que la radiographie conventionnelle. Cette technique, déjà réalisée dans plus de la moitié des mammographies, n’est toutefois pas encore reconnue par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
Ce qu’il faut savoir
- La mammographie 3D permet de dépister plus de cancers et diminue le nombre de rappels pour des examens supplémentaires.
- Cette nouvelle approche n’est pas encore reconnue dans le programme québécois de dépistage du cancer du sein.
- Les radiologistes souhaitent que les femmes âgées de 40 à 49 ans soient intégrées au programme de dépistage.
« Ne pas faire la mammographie 3D de façon systématique, c’est comme dire qu’on va manquer un tiers des cancers », dit d’emblée le président de l’Association des radiologistes du Québec (ARQ), le Dr Grégoire Bernèche.
Les radiologistes dépistent habituellement de 5 à 8 cancers du sein pour 1000 patientes avec la méthode conventionnelle, appelée 2D. Avec la mammographie en 3D, ce nombre passe plutôt à 8 à 11 cancers détectés. « On en manque beaucoup moins », dit le radiologiste.
Un peu plus de la moitié des mammographies réalisées au Québec incluent déjà une mammographie 3D, combinée à la 2D, d’après les données les plus récentes de la RAMQ au 31 mars 2023, indique le Dr Bernèche.
La patiente ne voit pas de différence. Ce n’est pas plus long. C’est la même dose de radiation. Et c’est tout aussi inconfortable.
Le Dr Grégoire Bernèche, président de l’Association des radiologistes du Québec
La majorité des patientes ignorent même qu’elles ont passé une mammographie 3D.
« On ne pouvait pas se permettre d’attendre »
Les radiologistes souhaitent élargir l’accès à cette nouvelle technique pour que tout le monde au Québec puisse en bénéficier, peu importe la région. Or, la mammographie 3D n’est pas encore reconnue dans le programme québécois de dépistage du cancer du sein.
Actuellement, le ministère de la Santé et des Services sociaux suit la recommandation de l’INESSS, qui considère la mammographie 2D comme la norme pour le dépistage du cancer du sein. « Bien que la tomosynthèse puisse être considérée comme une alternative à la mammographie de dépistage, il n’y a pas, à l’heure actuelle, suffisamment de preuves pour recommander une transition vers l’utilisation de la tomosynthèse à l’échelle de la province », peut-on y lire dans le rapport de l’INESSS publié en mai 2024.
Le Ministère a toutefois demandé à l’INESSS et à l’INSPQ de poursuivre son analyse. « Le MSSS réévaluera sa position concernant l’utilisation de la [mammographie 3D] pour le dépistage du cancer du sein à la lumière de cette nouvelle analyse », a déclaré à La Presse Francis Martel, des relations avec les médias.
Des radiologistes à travers le Québec décident tout de même de l’offrir à leurs patientes. « On ne pouvait pas se permettre d’attendre le rapport de l’INESSS », dit le Dr Bernèche.
Les premières mammographies 3D ont été réalisées dans une clinique privée de la ville de Québec en 2018. Aujourd’hui, la plupart des grands hôpitaux disposent de la technologie nécessaire pour les réaliser. En revanche, les régions éloignées sont souvent moins bien équipées en mammographie 3D.
Diminuer le nombre de rappels
La mammographie 3D capte une centaine d’images par sein, contre seulement deux pour la mammographie classique. Ces nombreuses images facilitent la détection des tumeurs cancéreuses, qui, dans l’approche classique, sont souvent masquées en se confondant avec les glandes mammaires, les unes et les autres apparaissant en blanc sur la radiographie.
La mammographie 3D permet ainsi de réduire le nombre de rappels pour des examens supplémentaires. « Le patient sera rappelé quand on n’est pas en mesure de dire avec certitude si le patient a un cancer ou non », explique le Dr Bernèche. Depuis 2017, le Québec est d’ailleurs la province présentant le plus haut taux de rappel au pays, selon le rapport de l’INESSS.
En mammographie 2D classique, 90 à 100 patientes sur 1000 sont rappelées, tandis qu’en 3D, ce chiffre descend à 60-70, souligne le Dr Bernèche.
Cette nouvelle approche nécessite néanmoins des investissements pour moderniser les machines afin qu’elles puissent effectuer la mammographie 2D et 3D simultanément. L’analyse des images des patientes est également beaucoup plus longue pour les radiologistes. « Avant, on analysait 4 images, maintenant on en a 230 », explique-t-il. Il estime tout de même que ce temps supplémentaire en vaut la peine.
Pour le dépistage dès 40 ans
Les radiologistes souhaitent également que le programme québécois de dépistage du cancer du sein intègre les femmes âgées de 40 à 49 ans. Actuellement, le programme s’adresse uniquement aux femmes de 50 à 74 ans. « La science est assez claire que ça vaut la peine », soutient le Dr Bernèche.
Plusieurs provinces canadiennes, soit la Colombie-Britannique, l’Ontario, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard, ont déjà réduit l’âge de dépistage à 40 ans. « On est vraiment à contre-courant là-dessus. On a un retard manifeste », déplore-t-il.
Le MSSS dit attendre les recommandations de l’INESSS sur les risques et les bénéfices du dépistage chez les femmes de moins de 50 ans pour prendre position. Les médecins et les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) ont tout de même la possibilité de prescrire une mammographie de dépistage à une femme de cet âge ou plus jeune, en fonction de l’évaluation du risque individuel ou en présence de symptômes.
Pour éviter un afflux massif de patients, le Dr Bernèche suggère d’accorder d’abord l’accès aux femmes âgées de 45 à 49 ans, puis d’élargir à celles de 40 à 44 an
La Presse