«D’énormes progrès ont été faits face au cancer de l’endomètre»
La prise en charge de cette maladie gynécologique est de plus en plus performante grâce au recours à la pathologie moléculaire.
En bref:
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Le cancer de l’endomètre est sous-médiatisé malgré son incidence significative.
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Il touche en majorité les femmes de 50 à 80 ans.
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La pathologie moléculaire permet de mieux comprendre la nature du cancer et donc sa dangerosité.
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Les traitements sont de plus en plus personnalisés et peuvent consister en une chirurgie, des séances de radiothérapie et de chimiothérapie selon l’avancée du cancer.
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Alors que le mouvement Movember sensibilise chaque année au cancer de la prostate et qu’il est fréquent d’entendre des campagnes de prévention pour le cancer du col de l’utérus, il y a des cancers, notamment gynécologiques, sur lesquels la population est beaucoup moins renseignée.
C’est le cas du cancer de l’endomètre, ce tissu qui tapisse la paroi intérieure du corps de l’utérus. Nouvelle cheffe du Service de radio-oncologie du CHUV, la Pre Fernanda Herrera attire l’attention sur cette maladie, ses symptômes et les progrès en matière de prise en charge. Explications.
C’est vrai que sa médiatisation est faible alors que son incidence est supérieure à celle d’autres cancers gynécologiques. En Suisse, le cancer de l’endomètre affecte entre 900 et 1000 nouvelles personnes chaque année. À titre de comparaison, le cancer du col de l’utérus en affecte environ 200 par an. Ce dernier est beaucoup plus médiatique parce qu’il touche des femmes plus jeunes et qu’il existe des moyens de prévention, le frottis et le vaccin, sur lesquels il est important de communiquer. Le cancer de l’endomètre, lui, est généralement diagnostiqué par la symptomatologie, c’est-à-dire quand il est déjà installé.
Comment se manifeste-t-il?
C’est un cancer qui concerne en majorité des femmes de 50 à 80 ans, autour de la ménopause ou après celle-ci. Il touche la matrice de l’utérus et peut être très localisé à l’intérieur de celle-ci ou parfois s’étendre à l’extérieur. Dans 60% des cas, la cause est métabolique, à savoir de l’hypertension, de l’obésité ou un diabète, mais il peut aussi avoir des origines hormonales ou génétiques. Des facteurs morphologiques ou des particularités comme les règles précoces ou une ménopause tardive peuvent aussi favoriser son apparition.
Et quelle est la symptomatologie?
Le symptôme le plus fréquent est un saignement vaginal anormal. Ça concerne la temporalité, par exemple en dehors des périodes de règles ou après la ménopause, comme les caractéristiques, notamment des règles plus longues ou plus abondantes. Attention, toutes ces anomalies ne marquent pas toujours un cancer, elles peuvent aussi correspondre à un simple changement hormonal. Néanmoins, je conseille aux femmes qui constatent des modifications de ce type de se renseigner auprès de leur gynécologue.
Si un cancer est diagnostiqué, en quoi consiste la prise en charge?
Le choix des traitements est personnalisé en fonction des caractéristiques du cancer de la patiente. Des médecins de différentes spécialités se réunissent lors de réunions de concertation pluridisciplinaire pour déterminer les meilleures options thérapeutiques. Si le cancer est localisé, une chirurgie peut suffire. Il s’agit alors d’enlever l’utérus, les trompes de Fallope et les ovaires, voire de prélever des ganglions dans le bassin pour voir s’il a migré. Beaucoup sont détectés à un stade précoce mais environ deux tiers nécessitent des traitements complémentaires à la chirurgie. Si le cancer est plus étendu ou présente des caractéristiques migratoires, la radiothérapie complète généralement la chirurgie et peut, selon les cas, être accompagnée de chimiothérapie. La chimiothérapie et les thérapies ciblées sont utilisées pour traiter les tumeurs avancées, notamment celles avec des métastases ou des extensions hors de la matrice. C’est sur ce point que nous avons fait d’énormes progrès grâce à la pathologie moléculaire (ndlr: analyses permettant de déterminer les caractéristiques moléculaires des tumeurs).
C’est-à-dire?
La pathologie moléculaire nous permet de «catégoriser» le cancer avec une grande précision. Beaucoup de cancers de l’endomètre sont porteurs d’une mutation moléculaire dont on sait qu’elle les empêche d’être très agressifs même si leur apparence suggère le contraire. À l’inverse, certains sont porteurs d’une mutation dangereuse alors qu’ils peuvent sembler gentils au premier abord. Donc ces analyses révèlent la vraie nature du cancer et permettent un traitement beaucoup plus adapté et personnalisé. Avant, il nous arrivait d’être surpris, de laisser une patiente sous surveillance en imaginant un cancer peu agressif et de ne pas comprendre pourquoi il y avait une récidive quelques années après. Depuis cinq ans et le recours grandissant à la pathologie moléculaire, les résultats ne cessent de s’améliorer.
Romaric Haddou