Ce cancer est le plus fréquent en Belgique: “Il n’y a pas de symptômes, sauf à un stade très avancé”
Chaque jour, environ 33 hommes belges apprennent qu’ils souffrent d’un cancer de la prostate. Il s’agit donc du cancer le plus fréquent dans notre pays. Ce cancer fait par ailleurs quatre victimes par jour en Belgique. Quels sont les facteurs de risque et les premiers symptômes de la maladie? Et quel est le taux de survie pour les patients? L’urologue Steven Joniau (UZ Leuven), spécialisé dans le traitement du cancer de la prostate, nous éclaire dans les colonnes de HLN. “Le fait d’avoir suffisamment d’éjaculations à un jeune âge peut contribuer à prévenir la maladie.”
Le nombre de diagnostics de cancer de la prostate a considérablement augmenté dans notre pays ces dernières années, comme le rappelle le professeur Steven Joniau, sur la base des chiffres officiels de la Belgique. “En 2022, on comptait quelque 11.500 nouveaux cas. Un an plus tard, il y en avait déjà environ 12.500. Cela représente environ 33 nouveaux cas par jour. Le cancer de la prostate est donc le cancer le plus fréquent dans notre pays. En outre, quelque 1.650 hommes belges meurent chaque année de ce cancer, soit quatre à cinq par jour. Et ce n’est pas un chiffre négligeable”, souligne l’expert.
De quoi s’agit-il exactement?
“La prostate est une glande sexuelle située autour de l’urètre, sous la vessie et juste au-dessus du plancher pelvien. Les testicules produisent l’hormone mâle testostérone et les spermatozoïdes. Lors de l’éjaculation, les canaux séminaux acheminent les spermatozoïdes de l’arrière de la vessie vers l’urètre en passant par la prostate. Ensemble, la prostate et les vésicules séminales produisent la majeure partie du liquide nécessaire à cette opération. Ce liquide séminal contient une enzyme: l’‘antigène spécifique de la prostate’ ou PSA. Cette enzyme permet au liquide séminal de se liquéfier une fois qu’il est acheminé au bon endroit. Dans le cas du cancer de la prostate, sous l’influence des hormones, des cellules malignes se développent dans les canaux glandulaires qui fournissent ce liquide séminal”.
Comment le cancer de la prostate se développe-t-il ?
“Le développement du cancer de la prostate est un processus qui dure de nombreuses années avant que l’on puisse le diagnostiquer. De petits défauts génétiques et des contretemps dans la division cellulaire se produisent. La testostérone est l’élément déclencheur qui accélère la croissance de ces cellules malignes. Personne ne sait exactement comment cela se produit et pourquoi la prostate est si souvent touchée par le cancer. On sait seulement que les organes glandulaires comme la prostate sont plus enclins à développer des tumeurs cancéreuses.”
Qui sont les hommes à risque?
“C’est un cancer de la vieillesse. L’âge maximal se situe entre 65 et 70 ans chez les hommes. Le cancer de la prostate est plus fréquent dans le monde occidental qu’en Extrême-Orient, par exemple. Cela s’explique en partie par des facteurs génétiques et démographiques. Les Blancs sont plus exposés que les Asiatiques. Et les hommes noirs d’Afrique sont encore plus exposés que les hommes blancs.”
“Mais surtout, le risque est lié à notre mode de vie. Si vous vivez de manière sédentaire et relativement malsaine, vos chances de développer un cancer de la prostate se multiplient. De manière générale, notre alimentation n’est pas assez variée et nous consommons des aliments trop riches en graisses et en énergie. Nous ne consommons pas non plus suffisamment de bonnes vitamines, telles que le thé vert et les tomates. C’est pour cette raison que les hommes méditerranéens sont moins susceptibles d’avoir un cancer de la prostate.”
“Chez les hommes d’Asie de l’Est, le chiffre est encore plus bas. Ils mangent beaucoup moins de viande et plus de poisson et de légumes. En outre, ils boivent du thé vert comme nous buvons de l’eau. Si nous vivions tous comme un Italien du sud ou un Chinois, le taux de cancer de la prostate en Belgique serait probablement plus bas. Bien entendu, cela est difficile à prouver.”
Quels sont les symptômes?
C’est très simple: il n’y a pas de symptômes, sauf à un stade très avancé. Si la maladie n’est pas traitée, elle peut se métastaser dans les os. Cela s’accompagne d’une très forte douleur osseuse, semblable à un abcès de la mâchoire. En outre, si la tumeur grossit, elle peut pincer l’urètre et provoquer des troubles urinaires. Mais dans ce cas, il est déjà bien trop tard. Or, la quasi-totalité des cancers de la prostate sont détectés par un dépistage précoce au moyen d’un test PSA ou d’une IRM. À un stade aussi précoce, il n’y a donc encore aucun symptôme.”
Comment le cancer de la prostate est-il traité?
« Nous classons les cancers de la prostate en trois catégories : à faible risque, à risque intermédiaire et à haut risque. Les cancers de la prostate à faible risque sont peu agressifs et présentent un faible taux de PSA. Pour ce type de cancer, aucun traitement n’est nécessaire. Au moment du diagnostic, nous informons les hommes que nous avons trouvé quelque chose, mais que cela ne menacera probablement jamais leur vie. Nous suivons ensuite ces cancers des tests et des scanners réguliers ».
“Nous savons que les cancers de la prostate à haut risque, s’ils ne sont pas traités, peuvent donner lieu à des métastases en quelques années. Le cancer de la prostate n’est alors plus curable. Nous traitons d’urgence les cancers de la prostate à haut risque par chirurgie ou radiothérapie avec une période d’hormonothérapie. Le groupe intermédiaire peut être divisé en deux grandes catégories: les tumeurs qui penchent légèrement vers le groupe à faible risque d’une part et le groupe à haut risque d’autre part. En fonction de cela, nous décidons du traitement nécessaire.”
Quel est le taux de survie?
« Dans le cas d’un cancer de la prostate à faible risque, le taux de survie est élevé. La survie à 15 ans de ces patients est proche de 100%. Dans le groupe à haut risque, le taux de survie à 10 ans est de 70 à 80%. Ce taux reste très élevé, mais avec un traitement intensif. Cela indique donc que le traitement est très efficace. Dans le groupe intermédiaire, la survie à 10 ou 15 ans est d’environ 90%.
« Dans 12 à 13% des cas, il y a des métastases, c’est-à-dire que la tumeur s’est développée dans la zone voisine, comme le rectum ou la vessie. Il s’agit de tumeurs très avancées. Ici, le taux de survie à 10 ans n’est que de 20%. Il existe donc aussi des formes très agressives, qui sont incurables. Le cancer de la prostate est souvent perçu comme quelque chose de banal, ce qui n’est pas justifié. Il est essentiel de détecter ce cancer à un stade précoce ».
Comment réduire le risque de cancer de la prostate ?
« Vous pouvez réduire les risques en menant une vie saine dès votre plus jeune âge. Il est important de faire beaucoup d’exercice et de manger sainement. Nous, les Belges, nous aimons les frites et la bonne bière. Je ne vous dis évidemment pas de vous priver, mais il est important de trouver un bon équilibre entre une vie saine et les petits plaisirs. Avoir suffisamment d’éjaculations à un jeune âge serait également bénéfique pour prévenir le cancer de la prostate. Mais de préférence pas avec un trop grand nombre de partenaires, car les IST augmenteraient à leur tour le risque de cancer de la prostate. »
“On peut aussi mesurer le taux de PSA. S’il augmente, cela peut être le signe d’une prostate qui grossit ou d’un cancer de la prostate. Une augmentation du taux de PSA peut donc indiquer un cancer de la prostate, mais ce n’est pas toujours le cas. Le taux de PSA peut être mesuré à l’aide d’une analyse de sang. En Belgique, un dépistage général du cancer de la prostate n’a pas encore été mis en place. De nombreux hommes ont un taux de PSA élevé sans même le savoir.”
« Nous recommandons aux hommes âgés de 50 ans et plus de faire le test une première fois chez leur médecin généraliste. Un membre de votre famille est-il atteint d’un cancer de la prostate? Dans ce cas, vous êtes plus susceptible d’en être atteint et de développer des formes plus agressives. C’est une bonne raison de se faire dépister à temps. Le message est donc le suivant: la détection précoce peut conduire à un surdiagnostic, mais elle peut aussi vous sauver la vie.”
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