Le « baiser de la mort » contre le cancer : comment une nouvelle génération de médicaments veut sauver les enfants
Qu’est-ce qu’un PROTAC ?
Les PROTAC sont des molécules conçues pour dégrader des protéines responsables de maladies, au lieu de simplement inhiber leur activité. Contrairement aux médicaments classiques, qui se fixent sur une protéine pour bloquer son action, un PROTAC lie deux protéines : la cible (la protéine problématique) et une autre protéine appelée E3 ligase. Ce dernier marque la cible pour sa dégradation, permettant ainsi de l’éliminer totalement. Cette approche ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques, notamment pour les cancers difficiles à traiter.
Les protéines, qui régulent de nombreux processus cellulaires, sont souvent impliquées dans le développement de maladies. Dans le cas du cancer, certaines protéines sont responsables de la croissance et de la propagation des cellules tumorales. Cependant, bien que des milliers de protéines aient été identifiées comme liées au cancer, seule une petite fraction d’entre elles peut être ciblée par les traitements actuels. Les PROTAC permettent de dépasser cette limitation en offrant une méthode pour dégrader ces protéines, même celles qui échappent aux traitements traditionnels.
Les tumeurs solides infantiles : un défi thérapeutique
Les tumeurs solides pédiatriques, telles que les neuroblastomes, les cancers cérébraux ou encore les sarcomes, sont particulièrement complexes à traiter. Ces cancers se forment à partir de cellules spécifiques, souvent en dehors des systèmes circulatoires, ce qui les rend moins accessibles aux traitements comme la chimiothérapie ou la radiothérapie. Les approches traditionnelles sont souvent moins efficaces et entraînent des effets secondaires importants sur les cellules saines.
Dans ce contexte, les PROTAC représentent une véritable avancée. En ciblant des protéines spécifiques impliquées dans la croissance tumorale, mais souvent « invisibles » aux traitements classiques, ces molécules pourraient offrir une alternative plus précise et moins toxique pour les patients jeunes. Les chercheurs, comme Yael Mossé, spécialiste des cancers pédiatriques, se concentrent sur l’identification de ces protéines clé. Selon Mossé, les PROTAC pourraient représenter une percée pour le traitement des cancers pédiatriques en permettant la dégradation ciblée de ces protéines malveillantes.
Les essais cliniques : une avancée prometteuse
Depuis le lancement des premiers essais cliniques en 2019, les PROTAC ont montré des résultats encourageants, en particulier dans les cancers adultes comme ceux du sein ou de la prostate. Certains d’entre eux sont désormais en phase III des essais cliniques, la dernière étape avant une éventuelle mise sur le marché.
Cette avancée est particulièrement intéressante dans le cadre des cancers pédiatriques, car elle offre une nouvelle voie pour traiter des tumeurs difficiles à atteindre. Par exemple, des chercheurs testent actuellement l’efficacité des PROTAC dans des cancers comme le neuroblastome, qui touche principalement les enfants. Si ces essais s’avèrent fructueux, il est possible que cette nouvelle classe de médicaments puisse radicalement changer le paysage des traitements contre les cancers infantiles.
Défis et limites des PROTAC
Bien que les PROTAC suscitent un grand espoir, plusieurs défis doivent encore être surmontés. Leur taille et leur structure complexe les rendent parfois difficiles à introduire dans les cellules cibles. En outre, bien que ces molécules offrent une méthode plus radicale de dégradation des protéines, cette approche comporte aussi des risques, notamment des effets secondaires potentiels. Par exemple, éliminer une protéine peut perturber des processus cellulaires essentiels, ce qui peut entraîner des conséquences imprévues.
De plus, certaines protéines, comme celles situées à la surface des cellules (les protéines membranaires), échappent à l’action des PROTAC, ce qui limite leur efficacité pour certaines formes de cancer. Les chercheurs travaillent donc activement sur des moyens d’adapter cette technologie pour surmonter ces obstacles et rendre les PROTAC encore plus polyvalents et performants.
Un avenir prometteur
Malgré ces défis, l’avenir des PROTAC semble très prometteur. Ces molécules ne se contentent pas de bloquer des cibles spécifiques ; elles permettent de dégrader des protéines malveillantes, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement de nombreuses maladies, dont le cancer. Si les PROTAC continuent à faire leurs preuves dans les essais cliniques, leur utilisation pourrait s’étendre à d’autres pathologies, telles que les maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson, où des protéines mal repliées ou anormales sont responsables de la progression de la maladie.
La recherche continue de progresser rapidement, et des collaborations internationales entre chercheurs, médecins et institutions pourraient permettre de financer les études nécessaires pour améliorer cette technologie. Bien que la route vers l’approbation des PROTAC pour les cancers pédiatriques soit encore semée d’embûches, les premières avancées sont encourageantes, et les espoirs sont grands.
Brice Louvet